T’as déjà dû entendre parler de « genre ». Le mot, en tout cas, tu le connais : les genres de films, les genres littéraires, les genres de musique, tout ça. Mais un autre sens du mot « genre » est venu sur le devant de la scène ces dernières années : quand on parle d’hommes et de femmes. Des voix se sont élevées contre ce mot, avec des arguments plus ou moins valables et peut-être que ça t’as un peu embrouillé•e. Dans le vacarme, des fois, on a du mal à s’y retrouver. Si tu as déjà tout compris et que le genre n’a pas de secrets pour toi, cet article ne te sera sans doute pas très utile. Au mieux, il te confortera dans tes idées, te fera te sentir moins seul•e et te donnera peut-être des pistes pour être prêt•e la prochaine fois que tu devras expliquer ce qu’est – et n’est pas – le genre à quelqu’un d’hostile. Par contre, si tu ne sais pas trop ce que ça veut dire que le genre au final, la suite devrait t’éclairer.
Les sexes ce n’est pas que de la biologie
Comprendre ce que c’est le genre en ce qui concerne les hommes et les femmes, c’est assez simple en fait. En résumé, c’est ça qui permet d’expliquer qu’on habille les garçons en bleu et les filles en rose. Le genre, c’est tout ce qui fait la différence entre les sexes au-delà du biologique. Parce que ce n’est pas à cause de ton pénis qu’on t’offre une balle de foot ni à cause de ton vagin que tu reçois une cuisinière en plastique. Il n’y pas question de nature ou de biologie là-dedans : tu ne joues pas au foot avec ton chibre et tu ne touilles pas des pâtes avec ta vulve. Ce n’est pas naturel de mettre des pantalons plutôt que des jupes quand on est un homme – la preuve avec les kilts écossais – ni de porter du rouge à lèvres quand on est une femme. Tout ça, tu l’as appris. Tu n’es pas né•e en te disant que les bas résilles c’était un truc de meuf ou que le sport c’était pour les bonhommes. Tu pensais plutôt à manger, dormir, être couvert pour ne pas avoir froid, faire tes besoins et qu’on s’occupe de toi. Garçon ou fille, c’était la même chose. C’est les adultes qui te traitaient différemment.
Toutes ces différences qu’on fait entre les personnes qui n’ont pas le même sexe, on nous les a apprises à partir du moment où on a atterri dans ce monde. On a certes des organes reproducteurs différents, mais la majeure partie des différences entre hommes et femmes ne sont pas biologiques. Ce sont des constructions. La preuve, c’est que, même si on est tous humains, elles changent d’un endroit du monde à l’autre. On n’est pas viril de la même manière à Paris qu’à Tombouctou, ou féminine à Los Angeles comme à Taïwan.
C’est quoi le genre ?
Le genre, c’est donc tout ce qui n’est pas biologique et qui différencie les femmes et les hommes, ce que le mot « sexe » ne permet pas d’exprimer. Certains parlent de « théorie du genre », mais je n’ai toujours pas compris ce qu’ils entendaient par-là. Une théorie, c’est un ensemble d’idées, basé sur des concepts, et ça interprète quelque chose. C’est une explication pas forcément très concrète quoi. Dans notre cas, c’est limite péjoratif – et ça l’est pour ceux qui parlent du genre comme ça – parce que ça laisse penser que c’est fumeux et que c’est une idée parmi d’autres. La raison pour laquelle je ne comprends pas pourquoi certain•e•s parlent de « théorie du genre », c’est parce que le genre, ce n’est pas une théorie : c’est un mot utilisé pour désigner une réalité. Au même titre que la naissance n’est pas une théorie, la mort non plus. Tu peux construire des théories à partir du genre comme tu peux construire des théories à partir de la naissance et de la mort, en cherchant à expliquer d’où ça vient ces phénomènes par exemple ; ok, c’est possible. Mais ose dire à quelqu’un qui vient d’avoir un enfant que la naissance c’est une théorie ou à quelqu’un qui vient de perdre un proche que la mort c’est une théorie, tu verras comment tu seras reçu•e.
Les différences entre les hommes et femmes qui sont dues à des traditions, des croyances ou d’autres formes de constructions sociales existent. C’est un fait, pas une théorie. Le « genre » est le mot qui sert à exprimer qu’il y a plus que le sexe qui distingue les hommes et les femmes. Le genre féminin ne se limite pas à l’utérus et à la poitrine comme le genre masculin ne dépend pas seulement du pénis et des testicules. Rien de théorique là-dedans, il suffit de regarder autour de soi. Une partie de ces différences est visible au premier coup d’œil : les vêtements des femmes ne sont pas les mêmes que ceux des hommes, leurs accessoires non plus. Si tu regardes un peu plus longtemps, les démarches, les intonations et le vocabulaire, les sujets des conversations, même les métiers sont différents. C’est pas parce qu’on est née avec un utérus qu’on va aimer parler chiffons et, à l’inverse, qu’on n’est pas forcément éperdu d’amour pour les voitures quand on est un homme. Ça paraît assez évident, non ?
Parler de « genre », et non plus de « sexe », c’est prendre en compte que les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas si naturelles que ça. Elles sont surtout sociales. C’est prendre du recul et mettre en avant le fait que, si ces différences ne sont pas naturelles, on peut agir dessus. On peut sortir des stéréotypes de genre et habiller les bébés en jaune, offrir un poupon à un garçon et une voiture électrique à une fille, devenir une astronaute ou un assistant social. Mettre un mot sur une réalité, ça permet de la penser. Ceux qui ont lu 1984 savent que ce qu’on ne peut pas dire, on a du mal à le penser. Ça ouvre aussi la porte pour pouvoir comprendre d’autres problématiques, comme le fait que certaines personnes ne sont pas à l’aise dans le genre qu’on leur a assigné. Là, tu comprends mieux pourquoi c’est pertinent comme mot et pourquoi ben, genre, ça fait avancer le débat.
C’est une belle façon de vulgariser le concept 🙂 effectivement, pas de théorie du genre, mais des études de genre… qui approchent le concept de façon différentes. Par exemple, la distinction sexe biologique/genre social (qui correspondrait à un clivage nature/culture) est assez critiquée maintenant, le genre est plutôt appréhendé comme un système par beaucoup de chercheurs/chercheuses qui soulignent que le sexe n’est jamais entièrement biologique, mais que l’identité sociale comme construction interagit aussi avec des réalités biologiques… Ce qui oblige à affiner notre vision du genre. Je pense à Anne Fausto Sterling par exemple, mais les chercheuses en études de genre en France produisent aussi plein de trucs passionnants.