Ça t’est déjà arrivé de te sentir mal à l’aise parce que t’étais pas habillé•e de la bonne manière ? Je ne te parle pas des fois où tes fesses pelaient parce que tu aurais dû mettre un pull de plus, non. Ça, c’est le côté purement utilitaire des vêtements. Je pense plutôt aux fois où tu avais l’impression de porter un pyjama à un dîner de la haute société, où tu te sentais en décalage par rapport aux autres au point où tu te trouvais idiot•e. On est d’accord qu’à la base, les vêtements, ça sert à t’habiller, pour te tenir chaud par exemple. Y’a des endroits dans le monde où il faut plutôt se rafraichir, et les gens n’y portent pas beaucoup de tissu. Si la manière dont on s’habille dépend du climat – on le voit bien avec la doudoune en hiver et les tongs en été – je pense que tu seras d’accord pour dire qu’il n’y a pas que ça. Tu penses peut-être au fait que c’est mieux quand on trouve ses fringues pas trop laides. Certes, mais ce n’est pas à ça que je fais référence non plus. Ce qu’il y a autour de ta tenue, c’est aussi les autres. C’est leur regard qui peut te faire te sentir mal quand tes vêtements ne collent pas au contexte, que tu aies mis un jogging pour un mariage ou que tu sortes avec une robe du XIXème dans la rue. Tu aimerais comprendre pourquoi ?
T’as pas honte !
Je ne suis pas psy alors je ne vais pas te faire un speech sur le poids que prend le regard des autres dans ta vie. Je peux par contre te parler de certains aspects de la vie en société qui font naître ce sentiment. En gros, les moments où tu peux ne pas te sentir bien dans tes baskets, c’est quand tout le monde autour est en chaussures à talons. Autrement dit, quand tu ne portes pas la même chose que les autres et que tu n’es pas à la mode quoi. Parce qu’après tout la mode, c’est l’imitation d’un modèle. Si on a des gens qui dictent la mode et qui doivent commencer par s’en détacher pour le faire, globalement, suivre la mode, c’est faire comme les autres. On le fait justement pour éviter ces moments de honte. Il faut pouvoir assumer les regards en coin quand on est différent.
En choisissant d’être banal, on risque moins de se faire chambrer. Et puis c’est plus facile, ça évite d’avoir trop à réfléchir pour faire le bon choix. Un fashion faux pas est vite arrivé, n’est-ce pas. Cela dit, mine de rien, être à la dernière mode, ça demande des efforts : faire du shopping, décider ce qu’on va porter au jour le jour et se tenir au courant. Ça prend du temps et de l’argent de devoir changer tout le temps. Dans certains cas, ça vire même au supplice : trouver la bonne tenue, et la motivation d’essayages à répétition devant le miroir. Peut-être que pour être tranquille il faut trouver le bon degré de mode : ne pas changer trop souvent mais ne pas trop tarder à suivre le mouvement.
Pour vivre avec les autres, c’est donc plus facile de ne pas avoir à tout réinventer chaque jour et à assumer ses propres choix en portant quelque chose de différent d’eux. Certains s’aventurent sur ce terrain, mais c’est plus rassurant d’avoir l’impression de ne pas être seul dans ses choix et d’appartenir à un groupe. S’habiller à la mode, c’est un moyen de se reposer sur quelque chose qui existe déjà. T’as pas besoin de défendre tes choix vestimentaires, ou, en tout cas, t’es pas seul•e à les soutenir. Quand tu portes la même chose que les autres – un jean-t-shirt reste un jean-t-shirt quelles que soient leurs couleurs et petits détails spéciaux –, tu ne prends pas de risques. Tu ne te fais pas remarquer. Le truc, c’est qu’on n’a pas toujours envie de se fondre dans la masse. Il y a toujours des gens auxquels on n’a pas forcément envie d’être assimilé et on a trouvé des solutions pour ça.
On n’a pas la même mode
La mode n’est pas la même pour tous. Même si nous vivons dans un monde où les quatre coins de la planète sont de plus en plus reliés et où on trouve les mêmes boutiques sur différents continents, les modes changent. Elles ne font pas que se succéder dans le temps, elles varient dans l’espace et au sein de ces espaces. Pour caricaturer, les citadins ne s’habillent pas comme les campagnards, les riches comme les pauvres, les entrepreneurs comme les poètes ou les fans de métal comme les mordus de rap.
On trouve des moyens de se différencier, d’affirmer son individualité sans pour autant être seul dans son truc. Les vêtements sont autant un moyen de se distinguer de la majeure partie des gens que d’exprimer son appartenance à un plus petit groupe de personnes. Ce n’est pas pour rien que j’avais des bracelets à piques quand j’étais ado, tu vois. Dans certains cas, on fait même exactement l’inverse de la mode la plus répandue. Ça ne veut pas dire qu’on en est détaché, bien au contraire. On fait toujours ses choix par rapport à la majorité dans ces cas-là. Ouais, peut-être que tu questionnes le degré de rébellion des punks en me lisant.
La mode c’est donc un moyen de dire qu’on fait partie d’un groupe tout en rejetant les autres. Les limites entre le groupe auquel on montre qu’on appartient et les autres, c’est à chacun de les définir. Toi-même tu sais que quand tu rencontres quelqu’un, tu peux déjà avoir une idée du degré de choses que vous avez en commun rien qu’en observant ses vêtements. C’est la première impression certes et on dit qu’il ne faut pas juger les gens sur leur physique, mais je ne te parle pas de leur morphologie là. Je te parle de la manière dont ils ont choisi de s’habiller, pas de leur patrimoine génétique. Les bouts de tissus sont révélateurs, même quand ils ne sont pas décolletés et qu’il n’y a rien d’écrit dessus. On peut débattre des questions morales derrière ce phénomène, il n’en est pas moins vérifié.
C’est parce qu’elles servent à se distinguer des autres que les modes passent. Au fil du temps, elles se répandent. Résultat, si tout le monde porte la même chose, ce n’est plus une mode, ça devient la norme. Il n’y a plus qu’à trouver autre chose pour se différencier. L’éternel recommencement. Toujours est-il qu’en fonction des gens qui t’entourent, ils te complimenteront sur ta tenue ou ils se moqueront de toi. C’est pas tant les bouts de tissu que t’auras choisi qui sont importants dans l’histoire, c’est ce qu’ils disent aux autres.
Toi, c’est quoi les choses que tu portes et qui montrent que tu appartiens à un groupe ?