On nous parle souvent – mais peut-être de moins en moins – de frontière entre ce qui serait virtuel et ce qui serait réel, et en même temps on essaye de nous sensibiliser aux conséquences réelles que peut avoir ce qui se passe dans un monde qu’on dit virtuel. Tu vois l’incohérence ? Parce qu’évidemment, ce qui se passe dans le virtuel ne se passe pas hors de la vie. Voilà, mon article est fini – non, je rigole, j’ai encore des choses à te dire, tu ne t’en tireras pas aussi facilement. Avant toute chose, le virtuel c’est quoi ? En gros, tout ce qui se passe derrière un écran connecté à internet de préférence. Ça n’aurait pas d’existence réelle, parce que virtuellement, ça veut dire que c’est une idée, rien de bien palpable quoi. La réalité virtuelle – oui c’est un pléonasme sur les bords –, ce truc à la mode, c’est une fausse réalité, on est d’accord. Mais est-ce qu’elle est si irréelle que ça dans la mesure où les gens qui la créent sont bien réels et les gens qui vont y faire un tour le sont aussi ? Je vais te laisser y réfléchir et retourner sur des aspects du virtuel sur lesquels on a un peu plus de recul déjà, autrement dit tout ce qu’on fait avec internet.
Des personnes réelles qui alimentent le virtuel
Donc oui, derrière son écran, on n’est pas dans un autre monde, loin de la réalité. Ce n’est pas un avatar qui agit, mais bien la personne qui pianote sur le clavier ou qui parle à sa caméra. Ce n’est pas non plus une création de l’esprit qui reçoit ce qu’on met sur internet, c’est une personne à part entière. Dis comme ça, ça paraît évident. Quand on t’insulte sur les réseaux sociaux, on t’insulte en vrai. Et de plus en plus, ceux qui sont nés avec internet et les écrans partout ne s’imaginent plus que l’écran nous fait entrer dans un monde différent. Pourquoi ? Justement parce qu’ils ont souvent un écran sous les yeux et qu’ils savent bien que ce n’est qu’une extension de ce monde que l’on qualifie de réel. En gros : les amis à qui ils envoient des snaps sont les mêmes qu’ils voient dans la cour de récré. Une extension à la fois parce que le virtuel ouvre un nouveau terrain de jeu et parce que ce qui se passe sur ce nouveau terrain de jeu n’est qu’un prolongement de ce qui se passe ailleurs.
Ok, il y a des différences entre les deux univers. Les règles ne sont pas toujours les mêmes que quand on échange en relation de face à face, les codes peuvent varier et force est de constater qu’on a tendance à plus se lâcher quand il n’y a personne en face à qui s’identifier. C’est humain, après tout, de se permettre des choses qu’on ne se permettrait pas autrement quand on n’a personne à côté pour nous taper sur les doigts. On peut même se demander si des choses qui n’étaient pas acceptables le sont devenues en ligne et ont fini par le devenir dans la rue. Des choses positives et des choses qui le sont moins, il y a du bon et du mauvais partout. Sauf que, même ça, ça change.
Le virtuel change la vie
Le virtuel s’introduit dans la vie et en devient bien réel. On a une question ? On dégaine son téléphone pour la poser à Google, cette entité divine qui a toutes les réponses. On voit quelque chose de spécial ? On prend une photo et on la partage. Un proche part loin ? Pas de problème, il y a la visio. On a besoin de quelque chose ? Il y a sans doute une appli faite spécialement pour ça. Même 10. Si bien que tous les outils qu’on utilise au quotidien vont jusqu’à changer, donc nos manières de faire les choses, et même notre vocabulaire. Et la manière dont on dit les choses est en lien avec la manière dont on les pense… Les gens buggent et on google des choses. Quand on like, c’est comme quand on snap : ce n’est pas tant une anglicisation du vocabulaire que des termes techniques qui se trouvent être en anglais. Combien de métiers consistent à passer son temps derrière un écran aujourd’hui en France et s’organisent autour de tout un tas de logiciels et applications aux interfaces plus ou moins réussies ?
Et le virtuel s’est aussi frayé un chemin dans les médias qui reprennent à tour de caméra des captures d’écran de ce qui s’écrit ou se filme sur les réseaux sociaux pour commenter, appuyer leurs propos en riant, en se félicitant, en s’indignant. Avec la montée de ce genre de réseaux, tous ceux qui ont accès à internet et un peu de temps peuvent prendre part à la conversation, pour le bonheur des uns et le malheur des autres – pas toujours les mêmes, c’est fluctuant en fonction de la communauté que tu lis et du groupe dont tu fais partie. On devient visibles. Tous. Avec des tonnes de données que, par chance pour le moment, on n’est incapables de vraiment exploiter, faute de moyens. Chacun se donne plus ou moins à voir. On peut partager les moindres instants de son existence avec celui qui viendra regarder. On peut aussi partager ses moindres opinions. Et ça fait du bien. Pourquoi ce jugement de valeur ? Parce que, même si on peut choisir dans quel groupe on évolue virtuellement et qu’on a tendance à rester dans le même que dans la réalité, ça permet quand même d’entendre des voix qu’on n’entendait pas jusque-là. Dans certains cas, certes, on s’en passerait bien, parce que ça nous rappelle que les milieux qu’on préfère éviter existent. Dans d’autres, ça redonne de l’espoir. Ça redonne de l’espoir parce que la parole, même sur un écran, peut avoir un impact sur la vie et la rendre plus vivable.
Combien de personnes se sentent moins seules maintenant qu’elles peuvent entrer en contact avec d’autres qui expérimentent le même genre de choses dans leurs vies ? Combien d’avancées va-t-on encore connaître parce que des gens se sont rassemblés et ont œuvré ensemble grâce à internet ? Combien de frontières vont encore bouger grâce à ce qui se passe virtuellement mais dont les conséquences sont bien réelles ?