Je vais vous parler de Breaking Bad, la série que tout le monde connaît – siii, tu sais, avec le papa de Malcolm dedans –, tellement bien vue que même Arte l’avait diffusée à l’époque. Ok, elle a commencé en 2008 et elle est terminée depuis plusieurs années, mais Snapchat te propose parfois un filtre avec les accessoires de Walter White, donc c’est encore un peu d’actualité. Si toi qui me lis tu ne l’as toujours pas vue, fonce – et accroche toi pour la saison 2, ça vaut la peine d’aller jusqu’au bout. Pour rappel, la série se passe aux États-Unis, plus précisément au Nouveau-Mexique – proche du Mexique, comme son nom l’indique – et nous fait suivre la vie de Walter White, prof de chimie, marié, un enfant et un autre en route, qui se voit offrir pour ses 50 ans le diagnostic d’un cancer du poumon – alors qu’il n’a jamais fumé, hein. Étant donné le système de santé états-unien, il va trouver un super moyen de gagner assez d’argent pour couvrir ses soins et mettre sa famille à l’abri du besoin : produire et commercialiser de la métamphétamine.
Vous allez vous demander pourquoi Macarologie parle d’une série ? Ben parce qu’une série télé, ce n’est pas juste une histoire découpée et filmée. Ça ne sort pas de nulle part. C’est fait par des gens qui ne sont pas des personnages de fiction, qui sont donc influencés par ce qu’ils vivent pour écrire, mettre en scène et jouer ; le créateur Vince Gilligan en premier. C’est aussi pour ça qu’on arrive à entrer dans l’univers, parce que ça fait écho à notre propre vie. Tu vois sans doute où je veux en venir : ce n’est pas parce que c’est une œuvre de fiction que ça ne nous apprend rien sur le réel. Et pourquoi j’ai choisi de raconter des choses sur Breaking Bad en particulier ? Parce que je trouve, personnellement – mais je crois que je ne suis pas la seule –, que les créateurs de la série ont su viser juste pour parler de drogue. Je n’aborderai ici que de la saison 1, pour ne pas divulgâcher – quels créatifs, ces Québécois – la suite à ceux qui ne l’auraient pas vue, mais ce que vous allez lire est valable pour le tout.
Les drogués, des gens qui savent ce qu’ils font
Tu l’auras compris, même s’il y a beaucoup de choses à dire sur le contenu de Breaking Bad, on va se concentrer sur la manière dont la série montre les gens qui touchent à la drogue, qu’ils la fabriquent, vendent ou consomment. Ces gens-là, surtout les drogués, on les voit souvent comme des incapables qui ne peuvent pas se contrôler et qui vivent en marge du monde normal, a fortiori quand on parle de drogues dites dures. Le drogué, cet être passif qui est tombé dedans quand il était petit parce qu’il vient d’un milieu défavorisé. Ouais, mais non. C’est là que la série remet les choses en place : les gens sont acteurs de leurs vies, ils font des choix et ils élaborent des stratégies. Walter White et Jesse Pinkman, nos deux personnages principaux, ne viennent pas de milieux populaires et n’ont pas été abandonnés dans l’enfance par leurs familles, non. Ils ne correspondent pas à l’idée qu’on se fait du toxico ou du baron de la drogue. Ils savent qu’ils adoptent des pratiques contraires à la norme quand ils choisissent de se lancer dans le commerce de métamphétamine, ils pèsent le pour et le contre de leurs actions – jusqu’à faire des listes parfois –, ils se débrouillent pour que leurs prises de risques en vaillent la peine financièrement et pour ne pas être découverts. Surtout, ils développent des compétences et des savoir-être (avoir l’air sûr de soi, forcer une serrure, se débarrasser d’un corps, …) nécessaires pour mener à bien leur entreprise.
Breaking Bad, casser les normes
Ce n’est pas parce qu’ils sont un peu montrés comme des hommes qui lancent leur affaire et qui vont gagner un paquet de thunes que le milieu de la drogue donne envie. Sans parler de la violence physique, certaines scènes insistent sur les côtés pourris de la drogue : ses effets secondaires, en mode grosses hallucinations, mais aussi la manière dont sont traités les gens qui en consomment – et puis on voit bien que Walter flippe à chaque passage d’une voiture de police. Quand je parle de la manière dont sont traités les drogués, je veux dire qu’à partir du moment où ceux qui ne consomment pas de drogue savent que quelqu’un en prend, ils le voient différemment, jusqu’à le stigmatiser parfois. Ça se passe comme de l’autre côté de l’écran télé, le nôtre. Walter et Jesse sont bien conscients qu’ils doivent cacher leur nouvelle source de revenus : la femme de Walter et son beau-frère policier ne seraient pas ravis en découvrant ce qu’ils fabriquent. Tout ça pourquoi ? Parce qu’ils ne respectent pas leurs normes, autrement dit, ils font des trucs qui ne se font pas – et dans notre cas qui sont carrément illégaux.
Le truc, c’est qu’une norme, c’est valable dans un groupe. En France on n’a pas les mêmes normes qu’en Chine ou en Nouvelle-Guinée par exemple. Ben ceux qui évoluent dans le milieu de la drogue n’ont pas les mêmes que ceux qui sont en dehors de ça. L’idée c’est que ce n’est pas parce qu’on ne respecte pas les normes de la majeure partie des gens qu’on fait n’importe quoi. Avec Narcos et toute la mythologie autour des barons de la drogue, on voit quand même que c’est un milieu hyper hiérarchisé et codé dans lequel t’as pas intérêt à faire n’importe quoi justement, sous peine de te faire arrêter ou sanctionner lourdement à coups de poings, de couteau ou de fusil.
Walter et Jesse ont le cul entre deux chaises, et c’est quoi la solution dans ce cas-là ? On se crée ses propres normes – après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Pour Walter, un dealer ne doit pas consommer ce qu’il vend et, pour lui comme pour Jesse, leur métamphétamine bleue doit respecter certains standards de qualité – quittes à vendre de la drogue, autant vendre de la bonne drogue. Avec le temps, les normes qu’ils se fixent changent et, plus ils se font des copains – ou pas – qui évoluent dans le milieu de la drogue, plus ils transgressent les normes des gens qui ne font pas partie de cette bande. Autre chose : ce n’est pas parce qu’ils ne respectent pas chacune des règles de vie de la majorité qu’ils les ont toutes oubliées. Oui Walter, on a vu que tu ne supportais pas qu’on te pique ta place de parking, qu’il faut se laver les mains après être allé aux toilettes et que tu ne donnes pas un sandwich tombé par terre à manger à quelqu’un, même quand c’est ton prisonnier. Et pour eux, tuer reste mal : ils ne passent à l’action que quand ils se sentent menacés. En gros, ils se font leur mélange de normes progressivement, parce que tu ne t’inventes pas narcotrafiquant en un claquement de doigts.
Les carrières de nos narcotrafiquants
Oui : on pourrait dire qu’on ne naît pas drogué, fabriquant ou vendeur de drogue, on le devient. C’est une carrière avec plusieurs étapes à franchir pour pouvoir en faire sa vie. Dans cette saison 1 de Breaking Bad, on s’intéresse surtout au début de carrière avec Walter White qui se met en tête de faire de la métamphétamine pour s’en mettre plein les poches. Ses motivations seraient presque légitimes et ça l’aide à s’engager dans cette voie : il a un cancer des poumons et ne veut pas laisser sa famille dans le besoin, ça se comprend. Surtout, il va mourir, il n’a plus grand-chose à perdre, du coup il ne voit plus les choses de la même manière. L’idée de la métamphétamine lui vient d’une émission télé qui expliquait à quel point ce business pouvait être lucratif. Le chimiste en lui s’est réveillé. Et c’est plus facile de passer à l’acte quand on a un ticket d’entrée dans le milieu. Coucou Jesse Pinkman, l’un de ses anciens élèves devenu dealer. Au fil des épisodes il apprend à connaître son nouvel environnement de travail et, même si c’était pas trop prévu, ses pratiques hors-normes vont gagner du terrain.
Le personnage de Jesse est à une autre étape de sa carrière de dealer. Il fume des joints depuis l’adolescence, il revend de la drogue depuis un bout de temps et il a déjà plus ou moins été lourdé par sa famille à cause de ça. Il a des relations dans le milieu et il a du mal à en sortir parce qu’il n’a pas de papier qui atteste de ses talents de commercial, rapport que dans cette branche on garde profil bas. C’est pas parce qu’il est plus expérimenté que son partenariat avec Walter ne va pas faire évoluer sa carrière : il change de regard sur la métamphétamine maintenant qu’il assiste à sa fabrication et se lance de nouveaux challenges. Je ne vous divulgâche pas la suite.
En gros, cette saison 1 de Breaking Bad, nous montre ceux qui évoluent dans le milieu de la drogue comme ce qu’ils sont : des personnes responsables de leurs choix, capables d’élaborer tout un tas de stratégies autour de leurs pratiques, mais aussi influencées par l’extérieur. Qui sait ce qui se serait passé si les poumons de Walter avaient été en pleine santé ? S’il n’avait pas pris contact avec Jesse ? Si lui avait trouvé un boulot qu’on n’a pas besoin de cacher ? Et puis transgresser la norme c’est loin d’être de tout repos et nos deux compères doivent respecter des contraintes imposées par l’extérieur pour ne pas se faire choper, ni par leurs entourages, ni par les flics, et aussi pour ne pas se faire tabasser – voire pire – par leurs concurrents.
cet article me rappel un certain cours que l’on avait à la fac 🙂
En effet 🙂 Rien ne se perd, rien ne se crée 😉